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Strasbourg, la mort de Naomi nous fait mal et nous interroge

12 mai 2018

De nombreux messages arrivent au LIEN après l’émission C dans l’air de jeudi sur la mort de Naomi au CHU de Strasbourg. Nous vous en remercions.
Oui, il fallait prendre sur soi pour ne pas se laisser envahir par l’émotion en écoutant le souffle de Naomi dans le reportage, et son impuissance à se faire entendre. La conversation entre Naomi et le centre 15 est en fait plus longue que l’extrait qui nous en a été donné.
On y entend Naomi affronter le déni de sa parole, de sa souffrance, de son état d’urgence. Naomi consciente qu’elle était en train de perdre la vie, niée dans sa réalité de patiente et confrontée à des propos relevant plus de la moquerie que de l’attention portée à une personne en souffrance, ne renonçait pas malgré cela ; elle s’est battue pendant des heures pour obtenir trop tard le secours qui aurait pu lui sauver la vie. Au traumatisme de la douleur, à l’angoisse de mort, s’est ajouté le traumatisme du déni. Alors oui, on a très mal à Naomi.
Quelques mots sur l’inhumanité insoutenable de la situation pour dire qu’elle ne s’arrête pas à ce jour fatal ; elle se poursuit pendant des mois. La famille reçoit le dossier et l’enregistrement de l’appel, par courrier postal, sans aucune proposition de rendez-vous ; les médecins font silence et le directeur du CHU de Strasbourg ne recevra la famille que plusieurs mois après la tragédie du 29 décembre 2017. Personne ne l’aurait informé d’un événement aussi grave. Soit ! Il existe pourtant depuis le 25 novembre 2016 une obligation de déclarer tout accident médical grave, appelé pudiquement un événement indésirable grave, par tout établissement de santé à l’Agence régionale de santé.
La question majeure de la mort de Naomi est avant tout celle de la compétence des acteurs. Qui sont ces opérateurs téléphoniques ou assistants de régulation ? ils sont des agents administratifs, recrutés sans aucune formation à l’entrée, qui reçoivent après recrutement une formation très légère eu égard aux responsabilités qu’ils sont amenés à assumer. En effet, l’écoute des appels des patients est obligatoirement compliquée, faire le tri et définir les appels prioritaires pour les transférer au médecin régulateur sans avoir une vraie formation paramédicale avant l’entrée dans cette fonction est hasardeux. La preuve !
Ce n’est pas parce que peu de patients ou de familles s’expriment sur leurs vécus négatifs qu’il n’existe pas d’autres cas.
Cette tragédie est elle le résultat d’une anomalie du système, la sous formation des opérateurs téléphoniques par rapport à leurs responsabilités ? Pour nous il y a urgence à réviser le profil professionnel de ces agents.
Dans le cas présent, on ne peut que se demander pourquoi l’opératrice qui n’a aucune compétence médicale décide-t-elle de ne pas faire appel au médecin régulateur ? Elle banalise d’elle-même les signes cliniques de douleurs abdominales décrits par Naomi et lui conseille de s’adresser à un médecin de ville, ce qui veut dire qu’elle pose un diagnostic sans avoir les compétences requises. Qu’elle s’autorise à court-circuiter le médecin régulateur, alors qu’elle sait être enregistrée nous interroge. Cela signifie-t-il que dans ce centre 15 les opérateurs téléphoniques peuvent exercer les fonctions médicales de diagnostic et d’orientation des patients, s’ils s’estiment en condition pour le faire selon le type d’appel et avec l’approbation des médecins régulateurs ? L’enquête ne manquera pas de le vérifier et si tel était le cas, il y aurait là une seconde cause système du fait d’un glissement organisé des compétences médicales exposant les patients au pire.

Un autre point interroge. Dès la médiatisation de cette affaire, la question de savoir si l’on aurait pu sauver Naomi par une intervention plus précoce, est posée par le corps médical interrogé. Comment un expert pourrait –il répondre non à cette question quand on sait que, dans de tels cas, chaque minute compte , notamment en cas d’hémorragie, et que Naomi a attendu 5 heures après son appel pour arriver à se faire prendre en charge ? à suivre.

Attention l’appel aux centres 15 sauve des vies tous les jours, et celui au 18 aussi. Les pompiers qui interviennent sur des appels médicaux, ont un médecin pompier qui les assistent.
Cependant , en cas d’appel au centre 15, vous savez désormais que seul un médecin régulateur peut vous apporter une réponse médicale d’orientation vers la structure la plus appropriée à votre cas. Donc si besoin insistez pour en avoir un au bout du fil, et en cas d’obstination de l’opérateur téléphoniste à ne pas vous passer le médecin, rappelez lui que votre conversation est enregistrée et qu’un médecin doit vous répondre. Toutefois, pensez que ces centres 15 sont submergés d’appels et soyez patient plus que patient si vous n’êtes pas en urgence vitale. Et il y a aussi dans nombre de cas, la solution de se faire conduire directement dans un service d’urgence.

Claude Rambaud

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