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Levothyrox, un nouvel épisode devant la justice

6 décembre 2018

L’affaire du Levothyrox est devant le tribunal d’instance de Lyon en raison d’une action civile collective intentée contre le laboratoire Merck, qui fabrique et commercialise ce médicament et sa nouvelle formule. C’est ce changement de formule qui est accusé de provoquer des effets secondaires chez certains patients. Environ 4 000 personnes, mettent en cause un défaut d’information responsable des préjudices subis, préjudices psychologiques et préjudice d’angoisse.
Cette affaire civile est une grande première comme action de groupe. En parallèle, une plainte a été déposée par près de 7 000 personnes et une enquête est ouverte par le parquet de Marseille pour « tromperie aggravée », « blessure involontaire » et « mise en danger d’autrui ».

Levothyrox, pourquoi, comment ?
Ces petits comprimés à base d’extraits thyroïdiens remplacent une hormone que notre thyroïde sécrète naturellement : la thyroxine. Cette hormone est essentielle à notre équilibre et toute carence entraine des troubles dont un syndrome d’épuisement physique et moral.
Elle est prescrite en général en cas d’hypothyroïdie ou d’ablation de la thyroïde, et selon l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), plus de 2 millions de Français prennent ce traitement.
Environ 1,5 % de patients traités seraient concernés par des effets indésirables de la nouvelle formule. Ils se plaignent d’effets secondaires, comme un épuisement, un état dépressif, des maux de tête, ou des chutes de cheveux et crampes.
31 411 signalements de patients subissant des effets indésirables ont été enregistrés par l’ANSM dont 14 décès ; selon le ministère de la santé « L’analyse des 14 décès montre qu’il s’agissait plutôt de personnes très âgées, avec beaucoup de pathologies et qui prenaient beaucoup de médicaments »,
Le premier scandale Levothyrox, dont on ne parle pas, est la surprescription du médicament dont sont victimes des personnes qui n’en ont pas besoin, et ceci depuis longtemps. Un rapport de 2013 de l’ANSM pointe, par exemple, l’absence de dosage d’hormone thyroïdienne préalable à la prescription d’extraits thyroïdiens chez 30 % des patients. Dans ce cas, le médicament est prescrit à l’aveuglette.
Ainsi dans le rapport 2013 de l’ANSM, on peut lire
« … Entre 2006 et 2012, la population de sujets affiliés au régime général « utilisateurs » de lévothyroxine est caractérisée par :
- une augmentation continue (la prévalence est passée de 3,03 % en 2006 à 4,10 % en 2012, soit une augmentation d’environ 35 %) mais un pourcentage stable de patients débutant un traitement …

  • environ 10 % de patients ayant subi une thyroïdectomie ;
  • environ 30 % de patients n’ayant pas eu de dosage de TSH (Thyroïd Stimulating Hormone) pris en charge par l’Assurance maladie préalablement à la primo-prescription de lévothyroxine. .. »

Peu de ces patients savent qu’il existe pour certains d’entre eux, un sevrage possible.
A ces 30 % de patients sans dosage préalable de TSH, et dont on ne connait pas le nombre de traitements non justifiés, il faut rajouter les patients qui auraient subi une ablation de thyroïde inutilement. Une fois la thyroïde enlevée, ceux-ci doivent prendre à vie un traitement de substitution dont ils ne peuvent plus se passer.
Cette affaire nous permet de rappeler qu’il est sage de demander à son médecin un dosage de TSH avant de prendre une hormone thyroïdienne.
Et tout aussi sage de demander un deuxième avis avant de se faire enlever la thyroïde, et si possible que ce deuxième avis ne soit pas posé par un chirurgien.

Mais aujourd’hui le scandale en justice n’est pas celui de la sur prescription silencieuse de Levothyrox.
Il est celui du changement de formule du médicament, que le laboratoire allemand Merck aurait effectué à la demande de l’ANSM et commercialisé début 2017.
https://ansm.sante.fr/S-informer/In…

Bien que l’ANSM ait adressé à des dizaines de milliers de médecins prescripteurs, une note d’information dès le mois de mars 2017, il est reproché au laboratoire de ne pas avoir informé les patients correctement du changement et de la surveillance des effets indésirables possibles.
La nouvelle formule concerne la modification non pas de son principe actif mais d’un de ses excipients, le mannitol en remplacement du lactose, et présent à très faible dose à caractère inoffensif, affirme l’ANSM. Cette formule devait garantir une meilleure stabilité dans le temps du principe actif.
Différentes hypothèses ont alors été avancées pour expliquer les effets indésirables de ce nouveau Levothyrox, dont le mannitol comme excipient, forme de sucre issue de plantes, dont des algues marines, présent dans les gommes à mâcher et utilisé à des doses plus fortes en médecine dans les problèmes d’anurie par exemple.
Ou encore autre piste, la présence éventuelle de nanoparticules de métal ce qui a été démenti formellement par le laboratoire, ou encore des doses inférieures de principe actif dans les comprimés.
En novembre 2017, le laboratoire allemand Merck avait été condamné par le tribunal de grande instance de Toulouse à mettre à disposition des patients le médicament sous son ancienne formule. Merck distribue aujourd’hui son Levothyrox ancienne formule qu’il importe d’Allemagne, sous le nom de Euthyrox , autorisé à le faire jusqu’à la fin 2019 semble t- il.
Le retour de l’ancienne formule en pharmacie de ville s’est fait en petite quantité et de nombreux patients se fournissent encore en Belgique, en Suisse ou en Espagne lorsque c’est possible. Ensuite ? affaire à suivre.

Claude Rambaud

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