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COVID-19 : quand la France est confrontée à l’afflux de patients gravement atteints

18 mars 2020 - Mots-clés : Coronavirus   tri des patients  

Depuis longtemps, en cas de saturation des lits disponibles, les médecins responsables des unités de soins intensifs et de réanimation sont amenés à pratiquer une forme de sélection ou tri des patients qu’ils peuvent prendre en charge.
Bien sûr la question du pronostic occupe une place particulière dans leur décision.

Aujourd’hui la situation est d’une gravité exceptionnelle, et l’ampleur de cette catastrophe sanitaire nous confronte aux limites de notre système santé .
Le seul critère des chances de survie des patients en détresse, qui se pressent à la porte des unités de réanimation , ne suffira pas pour faire ces choix.

La question est aujourd’hui stressante pour tous ceux d’entre nous qui sont fragiles ou âgés, mais aussi pour tous les médecins qui devront opérer ces choix, et tous ceux qui ont un rôle dans le pilotage du système de soins.

A cette heure, la population n’a d’autre choix possible que de tout faire pour se tenir à l’abri des contacts avec les autres, comme tous les membres résidents sous le même toit. .
Et s’il faut rompre cet isolement pour se nourrir, nourrir les siens ou se soigner, il est impératif de respecter les gestes dits « barrières » tels que nous vous les avons si souvent décrits sur ce site.

Face à cet afflux en masse de malades très graves, le ministère a demandé au Comité national d’éthique une contribution sur les questions éthiques posées par la prise en charge de patients frappés par la maladie COVID-19.

Le CCNE avait déjà émis, en 2009, un avis sur les « questions éthiques soulevées par une possible pandémie grippale ».
Il avait alors rappelé les principes éthiques mis en oeuvre, non pour « proposer un habillage éthique aux choix nécessaires que les pouvoirs publics seront amenés à faire, mais pour alimenter la réflexion »,
sachant qu’il est inévitable que certains de ces choix soient cause d’incompréhension, d’insatisfaction ou de contestation.

Le CCNE a émis sa contribution jeudi 13 mars 2020 :
https://www.ccne-ethique.fr/sites/d…

Pour le comité d’éthique, un juste équilibre doit être trouvé entre la nécessité d’une solidarité collective, en particulier à l’égard des personnes vulnérables et l’affirmation de l’autonomie, de même qu’entre toutes les dimensions du soin : traitement médical, accompagnement individualisé et justice, suggérant que la notion d’intérêt général est partagée au sein de la société.

Il poursuit :
Le moment est donc déterminant car, si les institutions sanitaires, éthiques, démocratiques franchissent cette épreuve, ce n’est pas seulement la défiance aggravant le mal qui sera évitée, mais la confiance au-delà de cette épreuve qui sera renforcée. Dans cette perspective, la question du temps est essentielle et le poids de l’urgence doit être contrebalancé par la structuration d’un plan d’actions, la gestion des étapes et des seuils, la mise en place de relais, la prévision d’ores et déjà de la suite.

Il s’agit de concilier les exigences éthiques avec le souci stratégique d’enrayer la progression de l’épidémie dans l’intérêt de tous.

Pour les formes graves,
il faut envisager l’éventualité que certains moyens techniques et humains deviennent limitants si la crise épidémique s’accroît de façon majeure.

Les ressources telles que les lits de réanimation et leur équipement lourd sont déjà des ressources rares qui risquent de s’avérer insuffisantes si le nombre de formes graves est élevé.
Ainsi, lorsque des biens de santé ne peuvent être mis à la disposition de tous du fait de leur rareté, l’équité qui réclame une conduite ajustée aux besoins du sujet se trouve concurrencée par la justice au sens social qui exige l’établissement des priorités, parfois dans de mauvaises conditions et avec des critères toujours contestables :

la nécessité d’un « tri » des patients pose alors un questionnement éthique majeur de justice distributive, en l’occurrence pouvant se traduire par un traitement différencié des patients infectés par le COVID-19 et ceux porteurs d’autres pathologies. Ces choix devront toujours être expliqués et respecter les principes de dignité de la personne et d’équité. Il conviendra aussi d’être vigilant à la continuité de la prise en charge des autres patients

Son avis N° 106 émis le 7 février 2009 sur ces questions :
https://www.ccne-ethique.fr/sites/d…

Face à toute pandémie, dès 2009, pour le CCNE, la probable pénurie, au moins transitoire, de certains moyens de prévention obligera les pouvoirs publics à déployer une stratégie qui mette en jeu une pluralité de critères éthiques :
égalité, protection des plus vulnérables, efficience, liberté individuelle, équité, solidarité.*

Extraits avis 106 :
La complexité du travail de pondération de ces critères est aggravée par
notre ignorance de paramètres de décision majeurs. Quelles qu’en soient les présentes difficultés, on ne peut faire l’économie de ce travail.

Il est légitime que certaines personnes devant assurer le maintien des activités essentielles au pays (à commencer par les personnels soignants, mais aussi ceux des transports, de la sécurité, de la production d’énergie, etc.) soient prioritairement protégées.

Il faudra qu’une réflexion responsable et concertée ait lieu dans chaque groupe professionnel qui bénéficierait d’une protection prioritaire pour décider collectivement combien de personnes et lesquelles devraient être protégées.

Le fait d’être prioritaire ne préjuge en rien de la valeur individuelle de la personne. Il ne
s’agit pas d’une hiérarchie en dignité qui ne saurait exister dans la mesure où la dignité est consubstantielle à la personne humaine.

Il ne s’agit pas non plus d’une hiérarchie fondée sur le critère de l’utilité sociale, concept impossible à déterminer rigoureusement.
.

Claude Rambaud

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